Certes, mais il en a toujours été ainsi : qui a conservé les images instamatic, ou jetables, ou autres formats étranges (kodak disks, ...) ? Combien de plaques de verre ont survécu ?
Finalement, la plupart des photos sont à consommer rapidement.
L'essentiel est le message qu'elles portent, au moment où elles le portent.
La "postérité", c'est une autre affaire, vanité peut être ?

Et l'objet photo, quelle valeur porte-t-il vraiment, quand on y songe ?...

J'ai l'impression que la plupart des utilisateurs de ces objets en font un usage simplement ludique : le "plaisir" de jouer avec une petite merveille technologique de poche (Une sorte de Tamagotchi : les adultes s'infantilisent).

Quand les premières calculatrices de poche programmables sont apparues (les HP 35 ; 68 ; 41 etc.), j'en connais qui en ont acheté sans posséder la moindre notion mathématique.
L'un d'eux se contentait de faire fonctionner le programme de démonstration qui permettait, entre autres, de faire apparaître de très belles courbes mathématiques en mouvement (HP 48 ).
Mais, à l'époque, cela donnait aussi un "look branché".

http://www.hp41.net/

Bon, pour les plaques de verre, j'en ai pas, mais pour le reste... je dois faire partie d'une famille d'archivistes 8)



Et la dimension "témoignage", dans tout ça ? Les images de la FSA (dont celles de D. Lange) ne témoignent-elles pas, par exemple, d'une époque, d'une mentalité, d'une histoire ?



Vanitas vanitatum... ? Pas sûr...
Et c'est la photo, c'était le moyen d'épargner (au sens : mettre de côté) des souvenirs, des sentiments, des idées, pour les transmettre aux autres, à ceux qui vont suivre ?
La vanité serait alors de croire/d'espérer que ces souvenirs/idées/sentiments peuvent intéresser quelqu'un, et surtout quelqu'un d'autre que nos enfants.



Est-ce qu'il en a à porter ?

Enfants, petits-enfants, arrière-petits enfants, etc.
Je suis de ceux qui s'émeuvent devant une photo jaunie de ses ancêtres, morts il y a 100 ans, mais dont je me dis "je viens de là, je leur dois la vie".
Leurs regards, les traces de vie dans leurs regards, petites histoires de chacun qui tous réunis ont construit le monde que nous avons.
Oui, je suis émue de les voir. C'est davantage que d'être simplement "intéressé" par ces images qui ont passé les ans, et qui nous montrent des visages oubliés des vivants.

Message personnel à Paul, pote : les portraits, en celà, sont pour moi ce qu'il y a de plus beau.

On peut aussi s'intéresser aux paysages, aux changements - à échelle de vie humaine - que le temps a opérés (glaciers, constructions humaines, etc). Mais ce sont là davantage des témoignages que de l'émotion, à mon sens. L'émotion est humaine.
Alors oui, les photos des ancêtres me parlent. Et les photos des enfants aussi, car ils sont eux aussi de passage pour le futur qui aura aussi le droit de s'émouvoir. Nous le leur devons !
Je ne "tire" pratiquement d'ailleurs que des portraits sur papier. Le reste peut disparaître avec mon ordinateur ou mon téléphone portable.

On peut dire cela aussi de bon nombre de leicamaniacs... Et par extension de bon nombre de photographes amateurs... Lesquels vivent secrètement avec l'illusion de la postérité, comme le dit notre muridé préféré. Tout cliqueur du dimanche n'est pas Dorothy Lange.

J'ai de vieilles photos, y compris des plaques. Toutes ne me parlent pas, émotionnellement, je veux dire.

Je préférerais des textes, ou encore entendre la voix, ou voir un film parlant (il n'y a jamais eu ni super8 ni caméscope à la maison). Là l'épargne d'émotion serait alors à sa plénitude.

En effet, j'ai souvent l'impression sourde que la photo travestit la réalité plus qu'elle ne la montre vraiment - pas de photos sans légendes - les photos de famille n'ont pas de légende. En tout cas pas les miennes : je ne sais même pas qui est dessus.

Et puis les téléphones capturent autre chose : la vie qui passe, la frivolité qui fait du bien, l'instant. Les souvenirs, je crois, n'ont pas forcément besoin d'un support physique.
Au contraire, leur évocation est parfois bien plus forte (qui prend des photos lors d'obsèques, par exemple ?).

Enfin bref, je n'ai pas d'avis tranché. Le photophone est en tout cas, pour moi, un immense progrès, un appareil miniature qui photographie, filme, joue de la musique, et me permet d'être en contact avec mes proches. J'ai de plus en plus de mal à lui préférer mon leica.

Et je prends plein de portraits avec !

L'émotion est tellement forte, dans ces conditions, que je n'ai encore jamais pu regarder les films (super8, camescope, etc) des êtres que j'ai aimés et qui sont disparus.
Je sais que les films existent, mais ils restent dans les placards...
Trop intense. Trop proche de la réalité disparue. Impossible pour moi.
Je les garde pour les suivants.


Chez moi non plus, ou presque pas.
Mais il y a quelques années, dans le grenier d'une vieille maison familiale en Normandie (5 générations successives), nous avons découvert une mine d'or : les cartons de vieilles photos. Peu ou pas d'annotations. Et un carton de vieilles lettres, ou documents officiels du tout début du XXè siècle.
Tels Hercule Poirot, ou Sherlock Holmes, des jours et des nuits durant, avec mon frère, nous avons réussi à reconstituer l'histoire familiale, redécouvert des secrets enfouis depuis des générations, remis un nom sur des visages oubliés de tous, des noms eux aussi oubliés de tous. Nous avons eu l'émotion de faire revivre ces souvenirs, rendre une âme à ce qui était mort.

Sûr qu'avec nos photophones, rien de tout cela sera possible dans 100 ans !
Mais effectivement, est-ce important ?
Autant je trouve important, émouvant, de faire revivre les oubliés, autant je me dis que ce que je vis n'a d'intérêt que pour moi, ou peut-être mes proches. Les suivants ? Ils s'en contre-ficheront sans-doute totalement...

Pourquoi seraient-ils tellement différents de toi ? Les "valeurs morales" qui sont les tiennes, les goûts qui sont les tiens, ta personnalité, tout ce qui t'a fait aimer cette découverte d'anciennes photos, ne crois-tu pas que tu la transmets un peu à tes enfants, qui eux-mêmes à leurs enfants, etc ?

Certes...
Mais je trouverais présomptueux, de ma part, d'attendre ça de mes descendants.
Il le feront s'ils en ressentent le besoin, l'envie.
J'ai plein de mes cousins, ou neveux ou même des frères qui sont totalement différents de moi, et ne voient dans ces recherches familiales rien d'émouvant ou d'important.

Sauf que le Leica n'a jamais été un produit de consommation

Personnellement, je ne me suis jamais considéré comme "photographe", mais comme un bon technicien (ma profession m'a imposé de faire d'innombrables photos "techniques" (maquettes et reproductions) et cela n'a rien d'amusant).

D'autre part, le côté affectif, témoignage, etc. je le laisse aux vrais grands photographes car mon truc à moi, comme je le laisse entendre pat ailleurs, c'est l'aspect "plastique" et c'est pourquoi je suis bien d'accord, pour une fois, avec Paul, pote quand il écrit :


… car c'est précisément ce qui m'intéresse en ce que tout est dans LA MANIERE de "travestir" (représenter) ! 8)

Ah bon ? Bien sûr que si. Il suffit d'ouvrir un forum leica pour en être convaincu en 5 mn (temps mort moyen sur les sections occasions et matériel).

Pour paraphraser L. Ferry, la consommation sans but c'est "rapprocher les prises, augmenter les doses", plutôt que de se consacrer "aux devoirs envers soi-même et envers les autres".

Le produit leica n'échappe pas à cela. Et le consommateur leica, qui s'est précipité pour acheter en pâmoison un M8 pas fini, ou des M "à la carte", ou des séries spéciales et autres derniers modèles plus ou moins rétro, tous produits typiquement consuméristes, n'est de ce point de vue pas plus éclairé que les autres.

Simplement les tarifs réservent le marché à une élite financière.

Je suis très heureux d'apprendre que je fais partie d'une élite financière

Un dimanche 14 janvier chantait sous la pleine lune Juana Molina. (au bois de Palermo bs as)

Juana Molina est la fille du chanteur de tango Horacio Molina.

...je ne vous abreuverai pas de mes considérations concernant le téléphone portable, le Leica, l'élite financière, ou les souvenirs...

Chez moi, on était très Nikon...